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Mes Interviews Culinaires: Chakall !

Catégorie : InterviewReportage

 
Mais qui est Chakall avec son turban sur la tête? En France, vous ne le connaissez peut-être pas encore. Mais c’est une véritable star  culinaire du petit écran au Portugal. Et pas seulement… Chakall est en train d’arriver en Allemagne, en Chine, en Amérique du Sud. Il nous vient d’Argentine et s’est installé à Lisbonne. Chakall est le chef de plusieurs restaurants, a écrit près d’une dizaine d’ouvrages de cuisine, est traiteur pour des soirées très mondaines, produit et présente des émissions culinaires. Bref un passionné pour qui le succès est toujours au rendez-vous. Son nom lui a été donné par son grand frère lorsqu’il était encore enfant. J’ai profité de mon séjour à Lisbonne, où j’ai réalisé mon reportage sur les pastéis, pour interviewer notre ami Chakall. Je vous invite donc à nous rejoindre pour une discussion autour d’un café! C’est en français que s’est déroulée l’interview. Un grand merci à Marie S. grâce à qui j’ai pu réaliser cet entretien!

Bernard: Quel est le parcours qui mène un journaliste Argentin, né à Buenos Aires, à se retrouver au Portugal, à Lisbonne, avec une telle activité débordante, livres, émissions, restaurants?

Chakall: Je suis arrivé au Portugal pour mettre en place, préparer un voyage en Afrique. Car j’avais un rêve étant petit, de faire le tour de l’Afrique en voiture. Et organiser un tel voyage à partir d’Argentine est compliqué, car il n’y a pas d’ambassades de pays africains. C’est pour cette raison que j’ai choisi un pays en Europe, pour y rester un an. Et c’était le Portugal. C’était l’unique pays européen que je ne connaissais pas. J’avais habité trois mois à Paris, j’avais été en Allemagne…
C’est pour cette raison que tu parles si bien français?
Oui c’est le séjour à Paris, mais surtout la copine! C’est le meilleur dictionnaire du monde. Pour vivre avec une parisienne c’est autre chose, mais pour apprendre c’est bien (rires)! Je suis donc venu au Portugal en étant journaliste. J’étais la quatrième génération d’une famille de cuisiniers. Mes parents, mes grands-parents étaient cuisiniers en Argentine, mais en Italie et en Suisse également. Mes grands-parents viennent d’Italie et de Suisse allemande. Mon grand père était suisse allemand et était chef pâtissier. Ma mère a appris la cuisine avec lui puis ma mère m’a appris. J’ai travaillé vers quinze ans dans le restaurant de ma mère. J’ai commencé avec de petites choses, comme servir la table puis j’ai commencé  à y cuisiner. Vers seize ans j’étais le chef cuisiner du restaurant de ma mère. Mais à cette époque je détestais cuisiner. Je suis donc arrivé au Portugal en 1997, à vingt-cinq ans. Mais je ne savais pas écrire en portugais, ce qui est embêtant pour un journaliste. J’étais journaliste pour le papier, pas la télévision. C’est là que je me suis dit que je savais faire autre chose et bien sûr c’était la cuisine. Je me suis fait embauché dans une cuisine, et là j’ai appris beaucoup sur la langue et la société portugaise. J’observais beaucoup le comportement, les gens etc… Au bout de trois mois, le restaurant était plein, ma cuisine plaisait. Je mélangeais beaucoup de choses que j’avais découvertes lors de mes voyages. 
Car à part l’Europe, tu avais déjà voyagé ailleurs?
Oui j’étais allé en Inde, en Thaïlande, beaucoup en Europe, en Amérique Latine. Avant de partir d’Argentine, j’avais fait un voyage de cinq mois dans toute l’Amérique du Sud. À Lisbonne, je cuisinais donc un mélange. Mais la cuisine était encore un moyen de vivre. On va dire que c’était à 50% un plaisir. Mais pas encore complètement. Je suis donc parti comme prévu deux années en Afrique. Je suis allé dans vingt-six pays pendant ce voyage. Je suis arrivé en Afrique du Sud, puis j’ai traversé l’Afrique, trois pays en guerre, je suis parti en Angola. J’y ai fait 70.000 kilomètres. Je suis remonté jusqu’en Egypte, puis la Syrie, la Jordanie, la Turquie puis retour en Europe. C’est le voyage de ma vie. Cela a changé beaucoup ma tête, mon esprit. Je pense d’ailleurs que le succès est arrivé grâce à ce voyage en Afrique car j’y ai perdu la peur. Je n’avais plus peur et la peur nous empêche de faire beaucoup de choses. J’ai perdu cette peur qui nous rend petit. Après cela je suis arrivé à Lisbonne et ma carrière en tant que « Chakall » a commencé. 
Comment s’est construite cette carrière en revenant à Lisbonne?
J’étais journaliste. Je connaissais donc ce côté là. Les cuisiniers connaissent très bien la cuisine, mais ne savent pas forcément gérer l’autre côté du business. Le monde de la cuisine est très dur: quatre murs, des éclairages un peu tristes, des chefs qui hurlent (pas tout le temps heureusement!). D’un autre côté, j’avais interviewé des gens comme Bono, Mick Jagger, des personnalités énormes mais qui avaient su rester humbles. J’avais donc une vision globale qui incluait la cuisine. Cela m’a aidé à construire ma carrière et je n’ai jamais pris la grosse tête. J’ai gardé les pieds sur terre. J’ai profité du business, j’ai joué mon personnage, mais je suis resté finalement le même. Ce qui est facile car le Chakall que l’on voit à la télévision est le même qu’en vrai.  Le personnage que je joue, c’est moi (rires). Quand je suis à la télévision, c’est moi sans vraiment exagérer le trait. Je suis le même que dans la vie. Il y a des gens qui m’aiment pour cela, et d’autres non. J’a appris cela en Afrique, je reste le même pendant un tournage, qu’avec une personne qui vient me voir après. Je pense que c’est une des raisons de mon succès, c’est que j’essaie de rester humble. 
Aujourd’hui, qu’est-ce qui te plait le plus? Écrire des livres de cuisine, présenter des émissions de cuisine, faire des shows pour promouvoir une marque?
Je pense que c’est le mélange de tout cela. J’aime bien le « show live » car mon père était acteur. Je suis un vrai mélange de mes parents. J’aime bien jouer avec le public, j’aime improviser des recettes. Je suis vraiment le roi de l’improvisation et je n’ai pas peur de cela. Je n’ai pas le trac. Je ne sais jamais ce que je vais faire et j’aime beaucoup cela. J’aime également écrire des livres de cuisine mais je n’aime pas forcément le rythme imposé par les maisons d’éditions. Je dois en faire un par an. D’ailleurs demain, j’ai rendez-vous avec mon éditeur pour repousser le prochain livre. Il y en a trop, j’en ai déjà fait huit. Comme je participe réellement à la conception du livre, que je fais les recettes, je n’ai pas le temps de faire bien les choses. J’ai les idées, mais pas le temps, c’est pour cette raison que je repousse un peu le prochain livre. J’ai aussi besoin de faire les choses qui me font plaisir. C’est un business très bien réglé, et une fois que la machine est en route, c’est difficile de l’arrêter. Il faut savoir dire non parfois. Je suis mon producteur et j’ai la propriété sur les droits mondiaux. Mon rêve est de faire une émission que je peux vendre dans le monde. Cela se fait souvent. J’ai déjà vendu des émissions pour les USA, pour la chaîne Fox. Je commence aussi en Chine à faire des émissions de cuisine et là, par contre, mon producteur est Edouard Cointreau. 
Tu as justement beaucoup voyagé avant et maintenant également pour cette carrière télévisée. Je sais que le Liban t’avait beaucoup influencé dans la cuisine, ainsi que l’Asie. Avec le recul aujourd’hui, cela est-il toujours vrai ou y -a-t’il des nouvelles découvertes pour toi?
La Chine! C’est vraiment incroyable. J’étais complètement fou après la première visite en Chine. C’est un monde! C’est incroyable de voir comment ils travaillent la cuisine chinoise. Il y a cinq mille ans de cuisine derrière eux. Chaque fois que je suis allé dans une province différente, j’ai découvert des choses qui sont incroyables. J’ai aussi vu des choses parfois difficiles. J’ai même du enlever des photos de mon compte Facebook car elles impressionnaient trop certaines personnes. Mais en même temps c’est la réalité. Que pensent les gens? Que les moutons chantent une chanson avant de se retrouver en tranches au supermarché? J’avais fait une émission qui n’est passé qu’en Chine, sur les chiens qu’ils mangent là bas. Je ne la passe pas au Portugal ou ailleurs car dans ce cas, je comprends que cela puisse choquer du monde. 
À ce propos. En voyageant, intègres-tu la cuisine des pays visités dans ta propre cuisine ou conserves-tu certaines traditions dans leur intégralité? Qu’est-ce qui t’intéresse le plus, l’incorporer dans une cuisine plus actuelle en la retravaillant, ou conserver la recette avec son histoire?
Les deux en fait. Je ne mets par exemple jamais d’influence japonaise dans ma cuisine, car je ne suis jamais allé au Japon. Mais connaitre les méthodes traditionnelles en faisant des reportages chez les gens, c’était un rêve depuis que je voyais les émission d’Anthony Bourdain. Je me disais, mais quel veinard, il est payé pour faire ça! C’était un rêve et c’est ce que je fais maintenant. Je suis en ce moment payé pour faire des reportages en Chine, pour manger, voyager, cuisiner avec des chinois. Je rêve de faire la même chose en Amérique Latine. J’aime donc comprendre les bases de la cuisine traditionelle puis l’incorporer quand je maitrise les techniques, à ma cuisine. J’avais aussi l’intention de faire la même chose en France mais je crois que votre Cyril Lignac a déjà un projet similaire. J’ai envoyé le projet à M6, avec la moto, à parcourir la France, mais j’ai un ami qui m’a dit que Cyril va faire cela avec le même format. Bref, tout cela pour dire, que je vais sur place chercher les recettes, j’apprends à les faire. Par exemple j’ai appris à faire une sorte de « dim sum » puis à la fin de l’émission, je vais faire mon propre dim sum, avec mangue et noix de coco. J’associe la technique traditionnelle avec mon goût.


On a l’impression que le succés est venu très rapidement. C’est le cas?

En fait assez oui. J’ai vite été pris comme traiteur de « catering » pour de gros événements, j’étais pris comme chef pour des restaurants, le temps de créer une nouvelle carte. J’ai surtout eu de la chance: j’étais là au bon moment et j’ai proposé quelque chose de nouveau pour le Portugal. Le fait d’être étranger et d’avoir un accent espagnol m’a aussi aidé. Je n’ai par contre jamais été attiré par les étoiles de Michelin. Ce n’est pas le monde de la gastronomie que j’ai en moi. J’ai des amis qui ont une étoile ou deux et qui sont fous de leur travail, mais tout cela n’est pas pour moi. J’ai envie de manger quelque chose qui peut me rappeler mon histoire, ma mère, ma grand-mère. J’aime la cuisine naturelle, simple, bien présentée. Il n’y a pas forcément besoin d’ajouter un espuma d’huitre sur un plat pour le rendre intéressant. Par exemple, un foie gras se suffit à lui même. Il n’y a pas besoin de superflu là dessus. Un fruit à la rigueur pour compenser.. Ce qui compte avant tout, c’est la qualité. En Argentine la simplicité c’est la viande, au Portugal le poisson, en France le fromage. Ces plats se suffisent à eux même.

Pour les lecteurs français qui ne te connaissent pas encore, commet définirais-tu ta cuisine?

Ma cuisine est ma cuisine et celle du monde. Je mélange tout. Et il faut y mettre du sentiment. Je le vois vraiment avec tous les cuisiniers. Il y a des jours où je ne me sens pas inspiré et il n’y a rien qui va en ressortir et d’autres jours où je me sens dans un état d’émotions intenses. Comme une fois à l’hôtel Saint Régis à Pékin où j’ai adoré ce que je faisais. J’étais comme en trans et les idées fusaient à toute vitesse. Mais c’était à un bon moment de ma vie, de ma journée…

Aimes-tu également la pâtisserie et son côté plus technique?

Oui j’aime beaucoup aussi. C’est très intéressant de connaitre ou de découvrir les températures pour le chocolat, le caramel. J’aime cuisiner autant les plats salés que les desserts. Cela doit être mon côté suisse allemand, italien ou français de ma famille! Les suisses aiment la perfection, l’exactitude…

Le vin a-t’il une place importante dans ta vie et ta cuisine? Car cela doit être le cas en étant argentin?

Bien sûr! J’adore le vin et je pense que l’on trouve d’excellents vins un peu partout dans le monde. La technique s’est surtout développée en France, mais s’est aujourd’hui démocratisée. Tout le monde a la technique. Il y le bon climat dans beaucoup d’endroits. Il y a en effet de très bons vins en Argentine, en France naturellement, en Italie, en Afrique du Sud. Je ne peux pas dire que je sois fan d’un pays en particulier, car j’ai goûté des choses magnifiques dans de nombreux pays. Je trouve d’ailleurs qu’il y a de moins en moins de mauvais vins. Le vin est donc important, je l’apprécie toujours. Je bois pourtant très peu, mais avec plaisir. Je n’ai pas besoin de devenir bourré (rires).

Dans notre cuisine française, y-a-t’il pour toi un plat, sucré ou salé qui sort vraiment de l’ordinaire?

J’ai eu une copine à Toulouse et c’est grâce à elle que j’ai découvert plein de choses. J’ai « compris » le foie gras, j’ai « compris » des choses qui ne m’intéressaient pas plus que cela auparavant. Pour nous en Argentine, le foie gras n’existe pas, c’est du pâté. Et la première fois que j’ai goûté un foie gras, c’en était un « maison » dans le Sud Ouest. C’était la grand-mère de ma copine qui l’avait fait. J’ai goûté ça et je me suis dit: « ça c’est Dieu »! (rires) Les oies et les canards étaient élevés pour elle, gavés pour elle, tués pour elle. Et après j’ai goûté celui du commerce. J’ai aussi à cette époque découvert les magrets de canards confits. J’ai eu la chance de goûter tout cela au bon endroit de France, avec les meilleurs produits. Pour moi le gros coup de coeur de la cuisine française, c’est la cuisine du Sud Ouest. Mais je trouve que la cuisine provençale est fantastique aussi, la Bourgogne, la Bretagne. Vous avez trop de choses délicieuses chez vous! Je suis un fou de coquilles Saint-Jacques de Bretagne, des huitres d’Arcachon. Mais aussi les fromages du pays Basque avec la confiture de cerises noires… Ça pour moi, c’est la quintessence de la simplicité: un plus un font deux. En ajoutant le vin et le pain, c’est le paradis! J’ai des connections avec la cuisine française car ma grand mère maternelle était basque française. J’ai une part de moi qui est française et je me sens chez moi quand je suis en France. J’adore la musique française aussi: Gainsbourg! Je suis fou de Gainsbourg, mais vraiment fou…! Hier j’avais même un t-shirt de Gainsbourg. Pour moi c’est l’un des trois musiciens les plus importants du monde. Chaque année je fais un show culinaire à l’ambassade de France à Lisbonne. Pour moi la France est très importante. J’aime son cinéma aussi. J’ai d’ailleurs beaucoup de sponsors français.

Il y des donc des chances d’entendre parler de Chakall dans les années à venir sur les écrans français alors?

Oui peut être mais je dois améliorer mon français. Je dois rester au minimum quatre mois pour le parler parfaitement (note de Bernard: je rappelle cependant que l’entretien s’est déroulé en français!). Pour le moment c’est la Chine et l’Allemagne. Mais j’espère vraiment pouvoir venir dans votre pays que j’adore!

Un grand merci à Chakall d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et de m’avoir emmené sur son show! Et un grand merci à Marie S. qui m’a donné son contact!

Jamais sans mon turban!

Venez découvrir mes autres « interviews culinaires »! 

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6 commentaires

patine 13 février 2012 - 19 h 16 min

Encore un reportage bien sympa sur Chakall un cuisinier atypique

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Stephanie Joux 13 février 2012 - 19 h 28 min

hmmmmmmmmmm Chakaaaaaaaaaalllllll ( toute ressemblance avec une pub connue serait une pure coincidence )

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Yane Alvarez Coer 13 février 2012 - 19 h 28 min

super !!!….. et à qd un DDA culinaire à plusieurs ????? avec un passionné comme toi ce serait un régal …. j'ai bien pensé à toi au marché de Sao. bizzz

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marie 13 février 2012 - 22 h 04 min

merci d'abord,BERNARD, pour le reportage sur CHAKALL, cuisinier génial, lucide et humble! qui a su faire un almagame pour sa cuisine de ses origines, de tous les pays traversés,et de ses intuitions avec une cuisine élaborée mais naturelle:il y en a peu comme lui et c'est ce que j'aime;pour moi c'est un génie,avoir tout "emmagasiné"(origines et passions) et nous le rendre à sa façon: amitiés: MARIE. (ce qui est sur ,c'est que nous avions envie d'aller au Portugal,alors "direct" chez lui à moins de devoir réserver!)

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Marie De La Selle 14 février 2012 - 14 h 43 min

Merci pour ton reportage. Toujours intéressant ! Bravo.

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Maria 20 février 2012 - 12 h 30 min

il a vraiment de beaux yeux
oups il fallait parler cuisine 🙂

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La cuisine de Bernard
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